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AMOUR

« La seule chose à la longue qui vaille le jeu et la chandelle est d’avoir aimé. Dans l’ordre de l’invisible, le fruit en est inéluctable » Christiane SINGER

Mars 2002. Les pieds dans la neige qui couvre les chemins de Rastenberg en Haute Autriche. C’est là que je rencontre Christiane pour la première fois, au sein de son repère d’aigle, au cœur du domaine où elle a élu domicile depuis 40 ans.

Dès que je l’ai aperçue, avant qu’elle ne prononce un seul premier mot, sa présence est venue ébranler les cadenas de la porte de mon cœur et sa ferveur telle une flèche a eu pour cible la mienne endormie depuis si longtemps. J’ai été littéralement percuté par sa tenue, sa droiture, sa noblesse et une petite voie est montée à mes oreilles « c’est comme ça que je veux travailler ! ».

Décembre 2017. J’en comprends seulement tout le sens lorsque je me retourne sur le fil conducteur de ce que la Vie m’a donné à vivre pour être dans mes choix professionnels d’aujourd’hui. Je viens de saisir un de ses livres « Où cours-tu, ne sais-tu pas que le ciel est en toi ? » en proie à cette question intérieure latente depuis plusieurs semaines « comment puis-je au mieux accompagner les entreprises, les institutions, les lieux de travail quels qu’ils soient au travers de leurs crises  et au-delà des outils que j’ai expérimentés et intégrés en cette matière ? ». Dès la deuxième page, je tombe sur cette phrase reprise en tête d’article et j’en suis bouleversé tant l’écho est parfaitement synchrone en moi.

Voilà cette phrase qui vient simplement me rappeler ce que je sens depuis si longtemps et que j’ai peu osé dire en milieu professionnel.

Je pourrais poser cette question aux responsables d’entreprises ou d’institutions qui me consultent à propos de troubles psycho-sociaux ou de problématiques internes soi disant purement professionnelles : « Et l’amour dans tout ça ? »

Certes la question serait bien déplacée posée comme telle en ces lieux ! Quoique….. Vous me direz que cette question ne fait pas très sérieux, qu’elle est un peu baba cool ou new age, que ce n’est pas avec ça que l’on fait tourner la boutique ! Je peux vous le concéder….quoique ! Et bien oui, l’un n’empêche pas l’autre. Et je suis même convaincu à ce moment de mon existence, et de mon expérience du vivant, que l’un porte l’autre, ou plutôt que l’un devrait porter l’autre, que l’un ne porte plus assez l’autre.  En effet, tous nos actes devraient être portés par l’amour que nous portons en nous et que nous avons bien appris à museler dans notre société. Ce qui manque cruellement dans nos lieux de travail, c’est « le cœur à l’ouvrage » ! Cette expression issue de la sagesse populaire est bien connue, mais a-t-elle bien été comprise ?

L’amour est une composante humaine. Cela fait intrinsèquement partie de notre nature profonde. Christiane SINGER aux derniers instants de son existence terrestre nous livrait ces mots :  » Je vous le jure, quand il n’y a plus rien, il n’y a plus que l’Amour. L’Amour est l’essence même de la création. »

Mon expérience en accompagnement de personnes m’a permis de mesurer à quel point une des plus grandes souffrances humaines dans notre société est d’avoir été, inconsciemment, empêché d’aimer. Et surtout de continuer à s’en empêcher malgré le temps qui passe et la maturité qui vient. Dans la liste des besoins humains, dans la sphère relationnelle et affective, il est souvent fait état du besoin d’amour ou besoin de se sentir aimé, et très peu, voire pas, du besoin d’aimer. Ce mécanisme de coupure de l’élan affectif démarre souvent très tôt dans nos histoires et nous conduit à construire des personnages qui font semblant d’aimer (nous allons même jusqu’à y croire sincèrement et à ne pas douter une seconde de ces personnages de survie) et qui confondent l’amour et le pouvoir.

Ce qui est à retenir ici, c’est cette bifurcation inconsciente que nous prenons à un moment de notre existence de survie. Nous cherchons envers et contre tout à aimer, la vie est plus forte que tout, et n’y ayant plus accès, nous prenons l’alternative de remplacement qui est le pouvoir, et nous commençons alors à nous posséder, à nous « prendre » les uns les autres plutôt que de nous rencontrer. C’est inconscient et c’est parfait car cela nous permet de survivre.

Mais il arrive le jour où ce qui nous a permis de survivre, à un moment donné, commence à nous empêchre de vivre. Alors surviennent la crise, l’effondrement, l’accident, le burn out, la dépression, le divorce,……bref chacun trouve sa stratégie inconsciente de « retour à l’essentiel » !

Mais si seulement nous pouvions voir combien ces « crises » sont en fait des signes de « bonne santé » ! Pour reprendre les termes de Christian BOBIN dans Le Très Bas : « …..la maladie, c’est l’approche d’une santé plus haute que la santé ordinaire, incompatible avec elle…… ». La crise, quelle que soit la forme qu’elle prend est simplement la tentative de la Vie de se remettre en ordre là où nous continuons à vivre en désordre. Une tentative de se remettre dans l’ordre de l’Amour. Dans «l’ordre du vivant» ! Pas dans «l’ordre des hommes» !

Il est grand temps que l’homme fasse serment d’allégence à la Vie, qu’il se positionne dans sa grandeur : l’humilité et le coeur.

Nous avons tous le pouvoir de revenir à l’Amour que nous avons fermement protégé tout au fond de nos par nos comportements de survie. En osant l’Amour, en osant reprendre le risque peu à peu d’ouvrir là où un jour lointain nous avions tout fermé pour ne plus souffrir. Nos blessures sont des blessures d’Amour et c’est par l’Amour qu’elles se cicatriseront.

Christiane nous disait : « Il existe un espace en nous que rien ne menace, que rien n’a jamais menacé et qui n’encourt aucun risque de destruction, c’est l’espace de l’Amour qui a fondé notre Etre. »

Devenus adultes, il est de notre devoir d’humanité de faire le chemin nécessaire pour revenir habiter cet espace en nous et rayonner au monde, de la manière singulière et unique qui est la nôtre, l’Amour que nous sommes.

Quand nous avons proposé à Vincent de venir écrire sur le thème de l’amour, il nous a immédiatement dit oui ! Evoquant  souvent le coeur et l’amour, Christiane Singer et partageant nos convictions sur la nécessité d’ouvrir son coeur, d’utiliser l’intelligence du coeur et de diffuser ce sentiment partout dans la société et les entreprises,  nous sommes heureuses des contributions de Vincent sur notre site, qui lui est ouvert pour écrire sur ce thème.  Merci Vincent

Ingénieur civil architecte en Belgique pendant 25 ans et psychoanalyste depuis plus de 15 ans, Vincent Houba a développé une lecture unique du facteur humain en démontrant les similitudes et interactions entre l’architecture “matérielle” de nos cadres de vie et celui des “architectures invisibles” qui régit le comportement humain dans les organisations. Sa pratique singulière s’appuie sur son expertise en physique, en psychoanalyse, en communication relationnelle, en intelligence collective et contribue à l’application de modèles “bio-logiques”, et donc organiques et respectueux des Lois Universelles du Vivant au sein des entreprises. Son expertise et sa recherche, tant dans le domaine de l’éducation que de l’entreprise, sont axées prioritairement sur la posture (éducative ou managériale) plus que sur les modèles.

Il intervient dans tous types d’organisations (entreprises, écoles et université, institutions) ainsi qu’en consultations individuelles . En 2012, il a fondé « Les Architectures Invisibles », cabinet dédié à ces recherches et applications.